chercheur, anthropologue, pédagogue

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“Marcel Jousse, lecteur de Bergson” est publié

Nous sommes heureux d’annoncer la publication aux éditions du Cerf de cet ouvrage d’Elisabeth (Clara) Vasseur. Il est dérivé de la thèse de doctorat en philosophie qu’elle a soutenu en décembre 2019 à l’Institut Catholique de Paris sous le titre “Marcel Jousse, philosophe, Dialogue avec Bergson.”

Voici la présentation donnée sur le site de l’éditeur :

« Jousse – il a trouvé un filon, comme on dit », confie Bergson dans un entretien avec Lydie Adolphe.
La relation que Marcel Jousse, chercheur, professeur, homme d’Église, entretient tout au long de ses quelque quarante ans d’enseignement avec le philosophe Henri Bergson est pour le moins paradoxale. Entre admiration et rejet, Jousse revendique « sa » lecture de Bergson. Libre et inspirante, souvent critique, voire frôlant la caricature, cette lecture tonique agit en retour sur le lecteur, qu’il soit connaisseur de l’œuvre de Bergson ou pas. Selon Jousse, le geste corporel-manuel, le geste global, est au cœur de la pensée du philosophe. Bergson joue sa pensée avec ses mains, avec tout son corps avant de la jeter dans ses livres. La connaissance des lois anthropologiques du Style oral formulées par Jousse permet de mieux saisir la particularité du style de Bergson, proche de celui de Péguy, et qui s’apparente au style oral des rythmo-mimeurs. Jousse, Bergson : deux noms qui ont marqué leur époque. Le lien fort qui unit les deux penseurs est au cœur de cette enquête – que l’on pourrait aussi écrire « en quête » – à la fois philosophique et historique. Ce livre s’inscrit dans la longue liste des « lecteurs de Bergson » qu’ils soient ou non bergsoniens.

Élisabeth Vasseur, docteur en philosophie, vit en Allemagne. Elle a contribué à faire connaître l’œuvre de Marcel Jousse par ses travaux, en particulier outre-Rhin.

Cette publication est l’aboutissement d’un long travail de l’autrice, qui a démarré en 2016 par la mise en place d’une co-tutelle pour sa thèse entre l’Institut Catholique de Paris et l’université catholique de Eichstätt-Ingolstadt en Allemagne. Son travail de recherche a été suivi par les professeurs Emmanuel Falque et Walter Schweidler. Il a permis également le développement d’un lien entre l’Association Marcel Jousse et l’Institut Catholique de Paris, aboutissant à la réception des archives Jousse par cette institution, et à la publication à cette occasion d’un volume de la revue Transversalités entièrement consacré à Marcel Jousse.

Son travail a bénéficié d’un soutien financier de l’Association Marcel Jousse. Il nous a semblé en effet important, par cette recherche, de continuer à retisser des liens entre Marcel Jousse, perçu comme un chercheur jésuite inclassable, et l’histoire intellectuelle du 20ème siècle. Si, un siècle plus tard, son œuvre semble plutôt être le fruit d’une trajectoire isolée, il est important de souligner que Jousse a entretenu de son vivant de nombreux dialogues, de façon directe ou indirecte, avec de grands penseurs et chercheurs français de son époque.

Rémy Guérinel par exemple avait montré l’importance de ses liens avec ses maîtres du Collège de France, le psychologue Pierre Janet et l’Abbé Rousselot, fondateur de la phonétique expérimentale, deux figures importantes mais néanmoins un peu oubliées.
Clara-Élisabeth Vasseur a eu le courage de s’attaquer au dossier philosophique et historique des liens entre Jousse et Bergson, le philosophe français le plus renommé lorsque Jousse commence à enseigner en 1931. Comme elle l’avait expliqué en 2020 lors d’une présentation (disponible en vidéo pour les membres de l’association), elle n’a pas fait “la thèse sur Jousse et Bergson” mais “une thèse” sur le sujet, en espérant susciter un intérêt et être suivie par d’autres. Ayant disposé de seulement 3 ans pour aboutir son projet, elle a donc dû choisir certaines pistes et en écarter d’autres.

Son travail ne manque pourtant pas d’ambition : l’autrice s’appuie sur une bonne connaissance à la fois de l’œuvre de Bergson et de celle de Jousse ; mais elle ne s’est pas arrêtée à une exégèse comparative des écrits de ces deux penseurs. Dans une démarche d’enquête, elle a aussi cherché à croiser et mettre en lien ce que dit Jousse au sujet de Bergson dans ses cours, ce que dit de Jousse la collaboratrice de Bergson, Lydie Adolphe, et des traces de cette relation intellectuelle conservées dans les archives de l’un et de l’autre, publiées avec d’autres inédits en annexe du livre. Le lecteur y trouvera de nombreux extraits de cours relatifs à Bergson, cours donnés en Sorbonne par Marcel Jousse. Un de ces cours est entièrement consacré à l’intuition bergsonienne.

Espérons qu’à travers ce livre, un dialogue puisse se poursuivre entre les personnes intéressées par l’œuvre de l’anthropologue du geste et celles intéressées par l’œuvre du philosophe !

Thomas Marshall

Membre du Bureau de l’Association Marcel Jousse

Nouvelle publication : The Forgotten Compass

C’est un événement éditorial : The Forgotten Compass – Marcel Jousse and the Exploration of the Oral World est le premier ouvrage collectif consacré à l’actualité des recherches de Marcel Jousse dans le domaine académique des études bibliques. Il rassemble les contributions en anglais de 8 spécialistes internationaux et donne aussi la parole à Jousse lui-même à travers le texte de deux de ses cours. Les travaux de Marcel Jousse dans ce domaine sont comme une “boussole” que le livre propose de sortir de l’oubli.

Contexte

Ce livre est publié dans le cadre d’une collection spécialisée qui vise à renouveler ce champ de recherches : Biblical Performance Criticism Series. Comme Marcel Jousse en son temps, cette collection pose le constat suivant :

Les sociétés anciennes de la Bible étaient très majoritairement orales. À l’origine, les gens vivaient les traditions que l’on retrouve dans la Bible comme des performances orales. En nous concentrant sur la pratique ancienne ayant porté les traditions bibliques, nous pouvons faire passer le travail universitaire sur la Bible de la mentalité d’une culture moderne de l’imprimé à celle d’une culture orale/scribale.” [c’est-à-dire où l’écriture est le propre des scribes]

Il fait suite à la publication dans cette collection, en 2018, de Memory, Memorization, and Memorizers: The Galilean Oral-Style Tradition and Its Traditionists, un ensemble de textes de Jousse édité et traduit en anglais par Edgard Sienaert, avec une préface de Werner Kelber. Ce volume sera publié en 2023 dans sa version française par les éditions du Cerf (suite à leur rachat de Beauchesne).

Co-dirigé par Werner Kelber, Professeur émérite d’études bibliques à Rice University (Texas, USA) et Bruce Chilton, Professeur de philosophie et religion au Bard College (Etat de New York, USA), The Forgotten Compass est l’aboutissement d’un travail de plusieurs années. Une étape marquante avait été le séminaire sur Marcel Jousse and Oral Theory ayant eu lieu le 26 novembre 2019 lors du congrès annuel de la Society of Biblical Literature à San Diego. Organisé par Werner Kelber, la grande qualité de ce séminaire a fait l’unanimité parmi les participants. Si bien que la décision a été prise de transformer l’essai par un ouvrage collectif. 3 ans plus tard, voilà qui est fait !

Résumé

Voici une traduction du résumé de l’ouvrage, publié sur le site de l’éditeur :

Alors que l’exégèse historico-critique (critique de la forme) se développait, l’anthropologue français Marcel Jousse a élaboré un paradigme herméneutique, d’une portée globale et d’une vision prémonitoire, mais opposé au paradigme philologique des études bibliques. Alors que la méthodologie philologique est venue définir l’herméneutique biblique de la modernité, le paradigme de Jousse, dynamisé par le rythme, a été marginalisé et largement oublié. Bien que Jousse ait laissé relativement peu de traces écrites, plusieurs de ses plus de mille conférences, prononcées dans quatre institutions académiques différentes à Paris entre 1931 et 1957, ont été éditées et traduites en anglais par Edgard Sienaert. The Forgotten Compass examine les vues de Jousse sur la tradition et les recherches bibliques, et documente la pertinence de son paradigme pour les études bibliques actuelles. Ce qui distingue le paradigme de Jousse, c’est qu’il est fermement établi dans l’orbite des communications anciennes et profondément enraciné dans la tradition juive. The Forgotten Compass met le lecteur au défi d’apprécier le manque d’une expression appropriée, par la Bible imprimée, des sensibilités mêmes que privilégie le paradigme de Jousse, et de prendre conscience de la culture multivocale et multisensorielle dans laquelle les traditions bibliques ont émergé et dont elles se sont nourries au départ.

Contenu

1. L’œuvre de Marcel Jousse dans son contexte | Werner H. Kelber
2. Le mimisme et les récitatifs bibliques anciens | Marcel Jousse
3. L’anthropologie du mimisme, de la mémoire, et de l’invisible | Edgard Sienaert
4. Un point de vue oral sur les Proverbes 31:10-31 | Mark Timothy Lloyd Holt
5. A quoi sert Jousse ? La forme orale comme moyen mnémotechnique dans les Hodayot | Shem Miller
6. Le son, la mémoire et le style oral | Margaret E. Lee
7. Jousse, composition orale et évangile de Marc | Joanna Dewey
8. Origine et techniques des récitations bibliques | Marcel Jousse
9. L’Au/Oralité de l’Evangile araméen | Bruce Chilton
10. Marcel Jousse, le problème synoptique, le passé et l’avenir des études évangéliques | Matthew D. C. Larsen
11. Conclusion : Implications de l’œuvre de Marcel Jousse | Werner H. Kelber

Épilogue

Afin de donner au public un aperçu des enjeux importants abordés dans le livre et des perspectives qu’il ouvre, Werner Kelber nous a autorisé à partager les pages qui closent l’ouvrage et nous en avons réalisé une traduction en français.

Télécharger l’épilogue en anglais   |   Télécharger la traduction de l’épilogue

Quelques appréciations au sujet du livre :

Ces commentaires sont des traductions de ceux publiés par l’éditeur.

“Vivez l’excitation de la découverte – d’un auteur dont l’œuvre pourrait bien changer votre façon de voir la Bible. Ce livre laisse Marcel Jousse parler lui-même, mais il nous donne aussi le privilège d’accompagner de grands spécialistes qui sortent de leur routine pour s’engager avec Jousse de manière critique et enthousiaste. Sans surprise, Jousse a enseigné à Paris. De façon peut-être plus surprenante, il était un prêtre jésuite.”

Bernhard Lang, Université de Paderborn

 

“Cette excellente introduction aux travaux pionniers et novateurs de l’ethnographe français Marcel Jousse sur l’oralité et la mémoire dans le milieu juif palestinien de Jésus permet aux lecteurs de (re)découvrir ses contributions à l’étude du Nouveau Testament et à l’histoire intellectuelle moderne. Combinant deux des conférences de Jousse avec une introduction et des évaluations critiques, le livre met en évidence ses idées avant-gardistes et leur pertinence pour les recherches contemporaines.”

Catherine Hezser, SOAS Université de Londres

 

“Quel bonheur que ce volume pour quiconque s’intéresse à l’oralité ! Bien que centré sur les études bibliques, il intéressera également les spécialistes de la communication ou de l’écologie des médias en présentant les travaux de l’anthropologue Marcel Jousse aux nouvelles générations. Voir et entendre Jousse dans le contexte de son travail le rend vivant et ouvre de nouvelles voies de réflexion sur la façon dont les gens interagissent avec leurs environnements de communication.”

Paul A. Soukup, SJ, Université de Santa Clara

 

“The Forgotten Compass montre la voie vers un paradigme mieux adapté au monde targumique araméen de Rabbi Jeshua de Nazareth. Anthropologue mondial et contemporain de Rudolf Bultmann, Jousse propose une approche robuste et complète des Écritures, à la fois très ancienne et très nouvelle. Jousse est un véritable trésor pour les jeunes chercheurs qui recherchent d’autres chemins menant à la découverte.”

Randolph F. Lumpp, Regis University, chercheur émérite

 

“Jousse a utilisé une idée de l’astronome Laplace : les grandes découvertes se produisent lorsque des concepts auparavant éloignés se rencontrent enfin. The Forgotten Compass est l’un de ces événements rares. Ce magnifique recueil constitue de véritables retrouvailles, où les études évangéliques se retrouvent face à face avec l’investigation des traditions de style oral. Les gestes intellectuels venant de part et d’autre créeront un courant capable d’irriguer le champ unifié des études bibliques et des traditions orales.”

Gabriel Bourdin, Institut de recherches anthropologiques, UNAM, Mexique

 

“Marcel Jousse était bien connu pour son étude novatrice de la tradition orale et de la mémoire. Afin de célébrer cette œuvre et d’approfondir sa signification et sa pertinence pour les études bibliques et la recherche sur Jésus, Werner Kelber et Bruce Chilton, directeurs de la publication, ont réuni une impressionnante liste de chercheurs qui évaluent la pensée de Jousse. Riches en réflexion, ces essais font progresser de manière positive l’étude de l’oralité.”

Craig A. Evans, Université baptiste de Houston

Publication en italien de “L’anthropologie du geste”

Nous avons le plaisir de vous annoncer la nouvelle de la publication, en août 2022, de L’antropologia del gesto par Mimesis Edizioni, sous la direction d’Antonello Colimberti.

Cette maison fait partie du même groupe que les Éditions Mimesis en France et que d’autres sociétés publiant en italien, en anglais et en allemand. Leurs ouvrages concernent tous les champs des sciences humaines et sociales, des arts, de l’architecture, des essais politiques…

Cette traduction porte sur le premier tome de l’œuvre posthume de Marcel Jousse, intitulé L’anthropologie du geste, qui a été publié initialement en français en 1969 aux Editions Resma, avant sa reprise par les éditions Gallimard en 1974. La réédition en poche faite par Gallimard en 2008 a regroupé sous ce même titre les 3 tomes initiaux. La traduction en italien des 2 autres tomes en vue de leur publication est également en cours. La collaboratrice de Jousse, Gabrielle Baron, y a rassemblé le début d’une synthèse écrite composée par Jousse à la fin de sa vie, ainsi que d’autres courts textes publiés de son vivant, qu’il désignait par le terme de “mémoires”.

Comme le sait d’expérience Edgard Sienaert, qui a publié une traduction anglaise des mêmes textes, et a partagé quelques réflexions à ce sujet (revue Nunc, 2011), il s’agit d’une entreprise délicate. Ces textes sortent des canons établis dans notre culture d’une œuvre intellectuelle. Chez Jousse, le passage à l’écrit est en effet une étape seconde, de cristallisation en formules algébriques, d’un enseignement vivant, dans lequel il se donne tout entier, dans l’interaction avec son auditoire. Il y a donc 2 Jousse : dans ses textes et dans ses cours. Nous avons dans les premiers l’avantage de la concision, ce qui peut être un obstacle à son intelligibilité ; tandis que nous avons dans les seconds (via leur transcription disponible sous format numérique) l’avantage d’une improvisation orale maîtrisée et richement illustrée, ce qui représente un corpus considérable à parcourir si l’on souhaite en avoir une vision d’ensemble (comme l’a fait Titus Jacquignon ces dernières années pour sa thèse de doctorat, ou encore Edgard Sienaert il y a quelques années avec un recueil d’extraits de cours).

En fin de compte, le défi pour le lecteur est d’admettre, comme une conséquence de l’anthropologie du mimisme, que la pensée de Jousse n’existe plus à proprement parler depuis sa disparition ! Il nous a passé le relais, à l’aide des miroirs subjectifs que forment ses phrases (orales ou écrites), du labeur de réfléchir en nous, individuellement et par la collaboration entre nous, notre condition humaine : « le volume primordial, inépuisable, il est en vous, dans la prise de conscience de votre être profond. » (cours à l’École d’anthropologie, 12/11/1951). Connaître cette condition humaine, indissociablement universelle dans ses potentiels, et singulière dans sa réalisation par chaque peuple et chaque personne, est un projet qui peut être animé par une grande diversité d’objectifs. Toutes ces trajectoires ont un seul point de départ : l’ensemble de ce que votre vécu vous a permis d’ “enregistrer” inconsciemment.

C’est pourquoi Jousse parle autant de lui : il prend la responsabilité d’un point de vue radicalement en 1ère personne. Si l’on comprend cette posture, alors on peut lire ses paroles comme une double invitation :

  • Une invitation à faire un effort de “sympathie intellectuelle” pour tenter de percevoir le monde tel qu’il l’a perçu, à travers les combats qui étaient les siens, à son époque. Une sympathie qui ne peut pas viser une fusion, mais au mieux une résonance (selon Natalie Depraz) ;
  • Une invitation aussi à se détacher des mots de Jousse pour tourner notre attention vers le réel, d’une façon nouvelle, et si possible en allant au-delà ce qu’il a pu en dire.

Thomas Marshall

Voici quelques lignes proposées par l’éditeur pour introduire aux enjeux de ce livre (traduction de l’italien) :

La figure de Marcel Jousse apparaît dans notre siècle comme celle d’un véritable Maître occulte, dont l’influence est restée souterraine, mais donc plus profonde et plus efficace. Jousse constitue à juste titre le précurseur de ce tournant dans les formes de représentation des sciences humaines, anthropologiques surtout, qui représente la réalisation la plus critique et la plus créative de notre temps. Ce tournant est une remise en cause radicale du modèle traditionnel d’écriture monologique et autoritaire, centré sur la notion d’ “auteur” et sur une représentation frontale, plate, uniforme, euclidienne, au profit de modèles polyphoniques et multi-perspectifs. Le conflit actuel, à l’intérieur et à l’extérieur des institutions culturelles, se joue sur ces choix profonds, voire politiques, où se mesurent et s’affrontent différentes manières de comprendre la “scientificité”. Le regain d’intérêt pour l’œuvre de Marcel Jousse, après l’attaque et la défaite historique momentanée qu’elle a subie de la part des institutions académiques de l’époque, est lié précisément à ce thème sous-jacent : l’inclusion de l’expérimentation non seulement comme objet mais comme méthode et contenu des sciences humaines.

Voici une traduction en français par Régine Marie Porcher de quelques articles qui ont été publiés pour rendre compte du livre :

Article dans Lo Spettacoliere, 15/08/2022

Article dans L’Avvenire, 26/08/2022

Article dans La Difesa del Popolo, 20/09/2022

Article dans la revue Doppiozero, 11/11/2022

 

Pour en savoir plus, sur le site de l’éditeur

L’anthropologie du geste se fait connaître en Espagne et en Amérique latine

Francisco Garcia a présenté lors des dernières rencontres de l’Association Marcel Jousse en novembre 2021, les dernières initiatives de diffusion de la pensée de Jousse dans le monde hispanophone. Nous mettons ici à jour son texte avec des actualités plus récentes.

Activités réalisées en espagnol au cours des années 2020 et 2021

Il faut tout d’abord souligner la promotion de la pensée de Marcel Jousse faite par le professeur Gabriel Bourdin. Je n’en citerai que deux :

  • Deux séminaires à l’UNAM

Le professeur Gabriel Bourdin, en tant qu’enseignant d’anthropologie à l’UNAM (Université Nationale Autonome du Mexique), et lié à l’Institut de Recherches Anthropologiques de la même Université, a dirigé cette année deux séminaires d’Anthropologie.

Le premier s’est tenu de mars à mai 2021 où il a traité la question : La vie des gestes dans la vie quotidienne. Éléments d’anthropologie joussienne. Cette étude a été poursuivie lors du second séminaire de septembre à novembre 2021. Ces deux séminaires étaient en sessions virtuelles de 4 heures hebdomadaires (le vendredi).

  • Inauguration d’un réseau social Marcel Jousse

En août 2021 a été inauguré un réseau social hispanophone intitulé “Red Marcel Jousse”, sur la plateforme Whaller. Avec cette initiative et grâce à la coordination conjointe de Thomas Marshall et de Gabriel Bourdin, l’information et la proximité des personnes intéressées par l’anthropologie du geste de Marcel Jousse en Amérique latine, en Espagne et en France deviennent plus étroites.

Tant les séminaires de l’UNAM que le réseau social ont mis en contact des personnes venant du Mexique, d’Argentine, de Bolivie, de Colombie, du Brésil, du Chili, d’Uruguay et d’Espagne, entre autres.

  • Dr. Francisco Moya et des médecins chrétiens

À la fin de l’année 2020, le Dr. Francisco Moya, médecin espagnol spécialiste en radiographie, a publié sur sa chaîne YouTube une conférence intitulée : « Neuf thèses de la pensée de Marcel Jousse dans son Anthropologie du geste » (ici traduite en français), qui s’avère être une bonne synthèse en espagnol, et qui compte à ce jour plus de 2600 visites. Francisco Moya est le fondateur de la palingénésie (qui signifie « renaître »). La Palingénésie de la Personne est une nouvelle méthode, inspirée du philosophe espagnol Leonardo Polo, qui vise la guérison de la personne par la pleine conscience de son passé. Il a également trouvé des points d’ancrage important dans l’Anthropologie du Geste de Marcel Jousse. Autour du docteur Moya se retrouvent des chercheurs d’origine espagnole, latino-américaine et européenne qui s’intéressent à cette méthode. Certains d’entre eux ont suivi une formation sur l’Anthropologie du Geste et sur les travaux de Pierre Perrier, donnée par le professeur Francisco José López à Almodóvar del Campo (Ciudad Real). Ils préconisent un chemin de guérison par la voie du geste. Ils prévoient de se réunir plus souvent à l’avenir.

Publications en espagnol

En 2020, deux publications importantes ont été éditées en espagnol.

« La Jungla Antropológica. Una introducción a la antropología del gesto y el mimismo de Marcel Jousse » écrite par Gabriel Bourdin et publiée par l’Institut de Recherches Anthropologiques de l’Université National Autonome de Mexique (UNAM).
Ce livre peut désormais être commandé en ligne. Ce livre a fait l’objet d’une note de lecture par une anthropologue brésilienne, dont nous avons trouvé intéressant de publier une version traduite en français.

En voici la présentation par l’auteur en 4ème de couverture :

Pour les lecteurs hispanophones, l’anthropologie de Jousse est inconnue. Les auteurs qui ont inclus des références à Jousse dans notre langue se comptent “sur les doigts d’une main”, pour reprendre la figure gestuelle de la numérotation “primordiale”, qui plaisait beaucoup à notre auteur. Le présent travail vise à soumettre à la considération du lecteur hispanophone et surtout du chercheur en sciences humaines une nouvelle approche méthodologique, dotée d’un énorme potentiel. En guise d’objectif intermédiaire, l’auteur tente des applications possibles de la création joussienne au vaste horizon des traditions de style oral originaires du continent américain.

L’UNAM vient aussi de publier la traduction en espagnol du livre Le Style Oral de Marcel Jousse (1925), sous le titre « El Estilo Oral rítmico y mnemotécnico entre los verbo-motores ». La traduction a été assurée par le professeur Bourdin et son épouse Leonor Teso Gentile (d’heureuse mémoire), avec un avant-propos d’Edgard Sienaert. Gabriel Bourdin a fait précéder le texte d’une riche introduction afin de mettre en perspective pour les lecteurs contemporains cette œuvre inaugurale de Jousse . Cette publication en espagnol a bénéficié d’une présentation officielle lors de l’anniversaire des quarante-huit ans de l’Institut de Recherches Anthropologiques de l’UNAM, transmis par Zoom.
Ce livre peut désormais être commandé en ligne.

De nouvelles publications en espagnol.

En mai 2022, un dossier sur l’anthropologie du geste a été publié dans la revue Mundaú, une revue électronique d’anthropologie, éditée par le programme post-licence en Anthropologie de l’Institut des Sciences Sociales de l’Université Fédérale d’Alagoas (Brésil). Il est intéressant de noter qu’elle publie ses articles en anglais, français, portugais et espagnol. Parmi d’autres contributions, vous y trouverez des articles écrits par deux chercheurs ayant suivi le séminaire de Gabriel Bourdin et par Titus Jacquignon, doctorant et membre du Bureau de l’Association Marcel Jousse, sous le titre : Le caractère fondamental de l’expérience indienne de Marcel Jousse dans la création de sa méthode anthropologique.

Une traduction en espagnol de l’ouvrage édité par Gallimard, L’Anthropologie du Geste, est également en cours.

Des conférences récentes en espagnol

Lundi 29 novembre 2021 a eu lieu une conférence sous le titre : « L’Anthropologie du Geste de Marcel Jousse : nouvelles recherches sur l’oralité », à l’Université Ecclésiastique San Dámaso (Madrid). Elle s’inscrit dans la 4ème journée du cycle de conférences intitulé : « La pédagogie de l’Église des Apôtres ». Elle a été donnée conjointement par le professeur Francisco José López Sáez et par Francisco García Baca (doctorant). Elle propose une introduction biographique sur Marcel Jousse et une initiation à son Anthropologie du Geste, suivie d’une brève présentation des nouvelles recherches sur l’oralité. L’importance de cette conférence revient surtout parce qu’elle est l’une des premières expositions formelles sur l’Anthropologie du Geste de Marcel Jousse dans le domaine universitaire espagnol, et aussi parce qu’elle a eu lieu à l’université ecclésiastique San Dámaso, institution académique importante en Espagne. En voici la vidéo :

Le professeur Bourdin poursuit son activité de recherche et de conférences. Il consacre plusieurs mois en 2022 à une enquête de terrain en Andalousie, dans le sud de l’Espagne, sur la connaissance météorologique paysanne et son expression dans la langue orale des proverbes.
Le 21 avril, il a donné une conférence de présentation de l’anthropologie de Jousse dans le cadre du séminaire doctoral international Art et Anthropologie de l’Université de Grenade et de la Fondation EuroArabe.

Une nouvelle histoire des origines du christianisme présentée au Vatican

Pierre Perrier fait un retour, lors de la Rencontre 2021 de l’Association Marcel Jousse, suite à sa participation à un colloque exceptionnel du Comité Pontifical de Sciences Historiques, du 27 au 29 octobre.

L’enjeu du colloque était de présenter l’état des recherches et de discuter d’une possible remise en question de la vision historique établie depuis la fin du 19ème siècle, basée sur l’étude critique des textes en grecs des Évangiles.

Il en ressort des preuves probantes d’une vaste diffusion, par les apôtres, de l’enseignement de Jésus en araméen. Cette diffusion a été permise par des structures orales traditionnelles de composition et de mémorisation, issues de la culture mésopotamienne ; et aussi par le rôle majeur joué par la diaspora hébraïque dans des échanges commerciaux structurés à travers toute l’Eurasie, de Rome et de l’Espagne à la Chine.

« Enquête sur l’histoire des premiers siècles de l’Église »

Au vu de l’importance de cet événement, nous sommes heureux de partager publiquement la vidéo de cette conférence introductive.

 

Une bibliographie des recherches de Pierre Perrier sur les Évangiles

 

Un résumé de Pierre Perrier sur son intervention

L’enjeu du colloque était d’échanger sur la nécessité ou non d’une remise à jour de la manière dont on raconte l’histoire des débuts de l’Église. Avec 28 contributeurs, de l’Espagne à la Chine, cela couvrait non seulement ce qui eut lieu en Palestine et à Rome, mais plus largement toutes les missions des apôtres et de leurs premiers successeurs.
L’organisateur du Colloque ouvrait ainsi la place à des explications joussiennes sur la composante hébraïque et orale des prédications et de la constitution de l’Église. Les divergences d’interprétation sont fondées sur des positions méthodologiques :

  • soit du côté de l’exégèse et de recherches historiques travaillant à partir de documents écrits,
  • soit du côté des recherches intégrant les découvertes de Jousse sur le Style oral,
  • soit entre ces 2 positions, des approches comprenant l’anthropologie, l’archéologie et la culture.

Nous avons pu faire passer une vision eurasiatique d’échanges intensifs au premiers siècles portant la Bonne Nouvelle par la diaspora hébraïque et un peu de Jousse. On présentera donc cette place de Jousse, directe ou sous jacente dans ce colloque, et le point sur nos travaux bien accueillis mais aussi refusés en Occident seulement par plusieurs, et on essayera de comprendre pourquoi.

Le contenu de cette présentation est développé dans un ouvrage récemment publié :

Retour à la source, éditions du Jubilé

Sommaire de la vidéo :

– Le colloque au Vatican, la participation de Pierre Perrier en lien avec des recherches collectives qui prolongent celles de Jousse sur le style oral araméen.

– (8’10) : commentaires sur les thèmes abordés par les 28 intervenants. Élargissement du périmètre géographique concerné en dehors de l’Empire Romain, en lien avec un réseau commercial hébreu de l’Espagne à la Chine.

– (12’10) Des éléments (re)découverts entrent en contradiction de la version établie. Le rôle majeur de la diaspora hébraïque à Rome et en dehors. Chronologie du voyage de l’apôtre Thomas jusqu’en Inde et en Chine.

– (25’53) L’enjeu : démontrer que les textes des Évangiles portent la marque de structures de composition orales existant au Moyen Orient ; face au consensus occidental d’une composition initiale par écrit et en grec. Le damier mésopotamien comme structure traditionnelle des textes de sagesse oraux.

– (28’50) Source et explication de la localisation des témoignages matériels de l’évangélisation du 1er siècle. L’exemple de la fondation d’une Église en Chine.

– (32’55) Analyse et informations tirées d’un texte de 105 verset issu des Actes de Thomas, le Madrasha de la Rivière de Perles. Des exemples de damiers dans d’autres textes chrétiens du 1er siècle.

– (39’10) Quelle contribution joussienne aux suites du colloque ? La structure en damier donne une cohérence globale aux colliers mnémotechniques mis en évidence par Jousse.

– (42’40) Question sur l’Empire Parthe.

– (44’38) Question sur l’usage des damiers dans l’Orient antique.

– (47’38) Question sur la position de Daniel Marguerat.

– (49’45) Réponse à la réaction de Gabriel Bourdin sur la découverte de la composition en damier.

– (53’00) Question sur le Madrasha / Midrash.

– (54’43) Conversation de Pierre Perrier avec Edgard Sienaert et Clara-Elisabeth Vasseur : pourquoi est-ce si difficile à faire entendre ?

– (1h06) Pour aller plus loin : « Retour à la source » de Pierre Perrier, publié en décembre 2021 aux éditions du Jubilé.

La musicothérapie active, par Willy Bakeroot

Fort d’une longue expérience de praticien et de formateur, Willy Bakeroot présente, dans un ouvrage collectif qui paraît en mars 2021, une démarche thérapeutique pratiquée depuis de nombreuses années : la musicothérapie active.

Il s’inspire notamment des travaux anthropologiques de Marcel Jousse qui nous enseigne le profond ancrage de la parole dans les gestes rythmiques du corps humain. Ces gestes sont reçus par notre corps, depuis notre naissance, à travers toutes les interactions qui se produisent avec les choses, les autres êtres vivants, et spécialement les membres de notre milieu social.

Les sociétés traditionnelles de style oral avaient bien compris que c’est avant tout par la mobilisation du corps qu’on pouvait prendre soin des souffrances des êtres humains et les aider à s’en libérer : sur tous les continents, ces sociétés ont développé, chacune avec leur propre vision du monde et croyances, des pratiques et rituels de guérison intégrant dans une globalité différents types de gestes expressifs : par la voix rythmée et mélodiée, par des instruments sonores, par des mouvements de tout le corps, etc.

Nos sociétés modernes ont séparé et codifié cette globalité expressive dans des arts distincts tels que la musique, le chant, la danse, le théâtre… Une séparation aussi a été établie entre les “artistes” et les “spectateurs”.

Pour retrouver un accès à des formes d’expression plus spontanées et globales, qui avaient quasiment disparu de la culture occidentale, un pédagogue allemand du début du 20ème siècle, Carl Orff, s’est tourné vers des sociétés traditionnelles pour y collecter un ensemble d’ingrédients de base, qu’il faisait explorer à des groupes d’enfants de façon ludique: le Schulwerk.

Willy Bakeroot et plusieurs thérapeutes qu’il a formé présentent dans ce livre les sources d’inspiration de la musicothérapie active, et témoignent concrètement de leur utilisation de ses différents ingrédients dans le cadre d’une relation de soin, et plus particulièrement avec des enfants.

 

Couverture du livre Musicothérapie active de Willy Bakeroot, Dunod, 2021

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Willy Bakeroot a été psychomotricien, puis est devenu psychanalyste. musicothérapeute et formateur.
Il a exercé pendant une trentaine d’années en psychothérapie auprès d’enfants, dans plusieurs centres psychopédagogiques de la région parisienne.
Il a animé des formations et ateliers de musicothérapie active pour des professionnels dans les milieux médico-éducatifs et médico-sociaux.
Il nous a quitté le 9 mars 2022. Nous avons publié un texte à sa mémoire.
 

Extraits du préambule

Depuis l’aube des temps, les techniques de soins ont utilisé le registre rythmo-mélodique intimement lié à la parole et aux mouvements dansés du corps. Ces techniques prenaient leurs sens dans les mythologies du moment. Dans ces mythologies s’enracinaient les pratiques orales du récit et du conte soutenues par le rythme musical et la danse.
C’est de cet ensemble d’éléments que s’inspirent les formes de la « Musicothérapie Active » proposée ici.
(…)

Notre champ de travail concerne ce que nous appelons les « désordres psychiques ». Il se base sur une relation transférentielle entre celui qui demande à être aidé et celui qui prétend aider. Au cœur de cette relation se trouve une parole qui s’efforce de faire sens.

Cependant, nous sommes, surtout avec les enfants, en présence d’une parole bien difficile à formuler. C’est sans doute pourquoi le recours aux racines de la parole est précieux. Ces racines sont simples, rythmiques, corporelles, gestuelles et sonores. À l’inverse d’une habitude trop cérébrale de « penser », on comprend ici que parler est un geste issu du corps tout entier. Marcel Jousse le nomme « geste laryngo-buccal ». Le rythmo-musical étant l’enveloppe de la parole.

Dans cette perspective, il fallait trouver avant tout une pratique musicale abordable par les patients. Une manière de musiquer qui libère suffisamment des contraintes de la technique pour porter attention à ce qui est proprement humain : le jeu relationnel.

(…)

J’ai choisi le terme de « musicothérapie active », les nécessités administratives du travail obligeaient à adopter les classifications en cours. Le terme « musicothérapie » formé sur deux racines grecques n’existait pas comme tel en Grèce ancienne. Il s’agit d’un néologisme formulé, au siècle dernier, par quelques soignants. Comme nous ne travaillons pas à partir de la simple écoute d’enregistrements, j’ai opté pour ce qui désigne la spécificité de notre travail : la « musicothérapie active » qui a pour but de redonner au patient une position de sujet parlant.
Les références principales de ce travail sont : les recherches de Carl Orff, celles de Marcel Jousse et celles de la psychanalyse.

Willy BAKEROOT, extraits du préambule de l’ouvrage “Musicothérapie active” (Dunod, 2021)

 

Ce livre, disponible à partir du 17 mars 2021, peut être commandé :

 

Pour en savoir plus sur la musicothérapie active :

Une sémiologie sans signe : Marcel Jousse et la linguistique de son temps

Pierre-Yves Testenoire est chercheur en sciences du langage à l’Université de la Sorbonne. Il s’est intéressé à l’œuvre de Marcel Jousse à la suite de ses recherches en histoire de la linguistique sur Antoine Meillet.

Il a publié un article sur Marcel Jousse dans un ouvrage collectif publié en 2019, et ce texte est désormais accessible sur le site des Archives ouvertes HAL.

Le grand mérite de cet article est de resituer le positionnement de Jousse en tant que chercheur vis-à-vis du champ des recherches en linguistique de son époque.
L’anthropologie linguistique de Marcel Jousse (1886-1961) se situe à la confluence de trois disciplines : la psychologie, l’ethnologie et la linguistique. Cet éclectisme disciplinaire est ce qui fait l’originalité de son projet scientifique : elle est typique d’un autodidacte, libéré des contraintes académiques par son statut de jésuite.

Pierre-Yves Testenoire a pu collecter de nombreuses citations dispersées à travers les transcriptions des cours de Jousse. Dans son enseignement, il faisait volontiers référence à d’autres chercheurs de son temps, pour les mettre en perspective avec son propre travail, ou pour exprimer sa reconnaissance à ceux qui l’ont influencé, mais aussi pour s’appuyer sur leur autorité afin de donner plus de crédit à ses thèses.

Au sein du paysage plus large des sciences du langage, on voit ainsi Jousse payant le prix de sa liberté académique par un fort isolement. Pierre-Yves Testenoire mentionne ainsi des courants de recherche contemporains que Jousse semble avoir ignoré et qui réciproquement n’ont pas connu ou reconnu son travail. Et d’autres auquel Jousse fait référence auprès de son auditoire, sans pour autant s’inscrire à leur suite sur le plan théorique, motivé par la recherche d’une reconnaissance en tant que chercheur, qui ne lui est pas acquise du fait de son statut hors-université.

On comprend que son projet scientifique, très personnel dans sa genèse, et développé de façon indépendante, garde aujourd’hui encore un caractère singulier, et donc difficile d’approche pour qui y cherche des cadres de référence connus dans les disciplines académiques : ses concepts, méthodes, et même modes de communication scientifique sont déroutants.

On peut faire l’hypothèse que Jousse tente le dialogue avec les chercheurs de son temps, mais en se situant en dehors de leur monde, un peu comme le ferait un ethnologue en mission. Il est en effet resté à Paris un indigène de la campagne sarthoise, partagé entre d’une part une impérieuse fidélité à lui-même, c’est-à-dire au milieu dont il est issu, et d’autre part sa vocation à faire connaître et comprendre dans le milieu intellectuel urbain la richesse du “paysannisme”. Ce concept, forgé à la manière d’un penseur anti-colonial comme Aimé Césaire l’a fait pour la “négritude”, entend ouvrir les yeux aux citadins alphabétisés à qui il s’adresse, au sujet des ressources insoupçonnées d’intelligence et de savoirs qui existent en dehors de leurs livres et de leurs écoles.

On peut ainsi mieux saisir la perspective de Jousse en (re)lisant ce qu’écrit à son sujet un des grands auteurs du mouvement de la négritude, Leopold Sedar Senghor, dans une lettre de 1968, alors qu’il accepte, à la création de la “Fondation Marcel Jousse”, de rejoindre son comité de parrainage (où l’on trouve fort peu d’universitaires) :

Je me suis toujours intéressé à Marcel Jousse que j’ai connu. Il m’a appris à aller à la racine des ethnies et partant, des hommes, à creuser jusqu’aux plus profondes couches géologiques de l’homme pour capter la source à son premier jaillissement…
Comme vous le savez, l’Anthropologie revêt de nos jours une importance particulière, singulièrement dans les pays en voie de développement. En effet, il y a là un riche champ d’expérience et de vastes perspectives de recherche en direction de la pensée de l’homme et de ses diverses formes d’expression…
Ceci pose, bien sûr, tout le problème de la Négritude dont le mode de pensée est la saisie du réel et du concret à travers l’image symbole et l’analogie.
A l’ère de l’atome et des vols spatiaux, les formes de pensée, particulièrement celles de l’Europe, sont en pleine crise. Cela, parce que le progrès de la technologie ne permet plus la sclérose et le vieillissement, mais pousse l’homme à faire resurgir du tréfonds de sa civilisation présente la source primordiale de vie et de mouvement.
Ce style nouveau inaugure l’avènement de la civilisation de l’universel qui sera l’apport commun de toutes les valeurs de cultures, sans distinction de race et de croyance.

Thomas Marshall

Publication d’un nouveau recueil de textes de Jousse en anglais

Memory, Memorization and Memorizer. The Galilean Oral-Style Tradition and Its Traditionists

est édité par Cascade Books (Eugene, Oregon, USA) dans la collection Biblical Performance Criticism.

Il s’agit d’une sélection de textes du Professeur Marcel Jousse composée, traduite et commentée par Edgard Sienaert.

L’ouvrage est préfacé par Werner H. Kelber, professeur honoraire en études du Nouveau Testament à Rice University (Texas, USA).

Traduction du titre : « Mémoire,  mémorisation, et mémoriseurs – La tradition galiléenne de Style oral et ses traditionneurs »

Extraits de la 4ème de couverture

« Cet ouvrage traite de la parole orale. Il traite des paroles prononcées au 1er siècle de notre ère, et mises par écrit beaucoup plus tard, dans des textes qui ne faisaient que confirmer ce qui avait été dit et fait. »

« Dans ses travaux, Jousse répond en fait à la question fondamentale qu’il se pose à lui-même :

Comment l’être humain a t-il réussi, au milieu de tout ce qui a agité l’univers pendant des centaines et des centaines d’années, à conserver la mémoire précise de mots et de gestes transmis fidèlement de génération en génération, comme s’ils avaient été enregistrés ?

Dans toutes les sociétés de tradition orale, la tradition c’est la mémoire.

Ceci est encore plus vrai s’agissant de la Galilée ancienne car elle a réussi à mettre au point un procédé de mémorisation jamais égalé depuis.

L’ouvrage d’Edgard Sienaert apporte un éclairage précis sur la manière dont les paroles et les gestes de Iéshoua ont été “enregistrés” si parfaitement dans les mémoires, tant à l’intérieur de la Palestine qu’à l’extérieur jusqu’à finalement parvenir jusqu’à nous qui pouvons ainsi nous nourrir d’une “tradition orale parfaitement transcrite par écrit ».

L’acheter

L’association dispose de plusieurs exemplaires de cet ouvrage, mis en vente lors de la rencontre du 11 novembre 2018.

Retrouver le contenu original en français

Memory, memorization and memorizers” contient, en trois parties:

  • Les Dernières dictées

Il s’agit de notes prises sous la dictée de Jousse par Gabriel Baron, peu avant sa mort. Ce texte a été édité par l’Association Marcel Jousse suite au travail d’Edgard Sienaert à partir de ces manuscrits.

  • Quatre cours donnés à l’école des Hautes-Études :

La psychologie du milieu ethnique palestinien: Notes sur la transmission orale formulaire. (HE 14/11/1933)

Les sunergoi-targoumistes accompagnateurs de Shaoul. (HE 23/02/1937)

L’envoi par écrit des catéchismes de Shaoul. (HE 02/03/1937)

Le mashal palestinien de l’olivier sauvage. (HE 25/05/1937)

Judâhen, Judéen, Judaïste dans le milieu ethnique palestinien. Paris : Geuthner, 1946.

Père, Fils et Paraclet dans le milieu ethnique palestinien. Paris : Geuthner, 1941.

La manducation de la leçon dans le milieu ethnique palestinien. Paris : Geuthner, 1950.

Les formules targoumiques du “Pater” dans le milieu ethnique palestinien. Paris : Geuthner, 1944.

“In search of coherence” : la première introduction en anglais sur l’ensemble de l’œuvre de Jousse

Edgard Sienaert a récemment publié son dernier ouvrage intitulé : “In Search of Coherence. Introducing Marcel Jousse’s anthropology of mimism.” (Pickwick Publications, Eugene, Oregon, USA, 2016) Il a eu l’honneur que Werner Kelber, enthousiasmé par le manuscrit, lui ait demandé d’en rédiger la préface.

9781498297967

Marcel Jousse se dit méthodologiste, orienteur, poteau indicateur. Ce n’est pas lui, « En quête de cohérence », c’est lui nous montrant la voie vers une cohérence perdue : l’Homme séparé en corps et âme, l’Humanité divisée en un avant et après l’écriture, et Homme et Humanité à la poursuite d’un progrès technologique qui les sectionne de leur environnement. Jousse plaide pour une triple recomposition : un composé humain, s’exprimant comme un tout, et en échange permanent avec un cosmos qu’il prend en conscience et qu’il conscientise. Il faut une évolution, ni régressive ni progressive, mais une évolution en profondeur, reconnectant le nouveau et l’ancien – bref, une cohérence.

« In search of coherence » est la première introduction de l’ensemble de la pensée et de l’œuvre de Jousse en langue anglaise.

Traduction de la 4ème de couverture :

« L’œuvre de Marcel Jousse sur l’anthropologie du mimisme est un plaidoyer pour un changement radical de civilisation. Dans nos sociétés contemporaines, nous avons décomposé l’être humain entre, d’une part, l’esprit, l’intelligence et l’âme, et d’autre part, le corps, ce qui fait de l’homme un conquérant du monde dans lequel il vit. Jousse plaide, au contraire, pour un réexamen complet du “composé humain”, tant à l’intérieur de chaque personne que dans la relation de l’être humain avec le  cosmos, que d’une certaine manière il “incorpore” et “rejoue” sans le savoir. Jousse préconise une évolution en profondeur de notre approche de ce qu’est l’être humain, une approche qui ne soit ni régressive ni progressive, mais qui rétablisse le lien entre l’ancien et le nouveau, le cosmos et la parole humaine ».

Quelques échos :

« Après « Au commencement était le mimisme », « In Search of Coherence » constitue une nouvelle synthèse splendide de la pensée et de l’enseignement de Marcel Jousse. La loi anthropologique du mimisme nous est présentée comme une théorie unifiant les sciences humaines et dont la recherche de plus de réel établit une cohérence éthique entre la parole humaine et l’action humaine, entre le dire et le faire humain. »
Gabriel Bourdin, Institut de recherches anthropologiques, Université autonome du Mexique.

« « In Search of Coherence » est une borne dans le panorama des études en culture et tradition orales. La profondeur scientifique et l’acribie impressive qui imprègnent son discours herméneutique font du travail d’Edgard Sienaert un indispensable instrument épistémologique, tant pour l’analyse de la contribution de Marcel Jousse aux études en oralité que pour l’enseignement universitaire au sens large. »
Francesco Perono Cacciafoco, Université Technologique Nanyang, École des humanités et des sciences sociales, Section de linguistique et études multilingues, Singapour.

« Les recherches de Marcel Jousse ont ouvert au vingtième siècle des voies modernes pour comprendre les puissances inhérentes à la performance orale. Edgard Sienaert est son traducteur le plus éloquent et son interprète le plus avisé. Ce nouveau livre nous rend un Jousse vivant et nous montre combien nous devenons le plus finement humain quand nous reconnaissons qu’un style est une vertu permanente et non éphémère, quand nous croyons en la cohérence du mouvement et de la métaphore, du corps et de l’esprit. Nous qui célébrons les humanités, avons un devoir de reconnaissance envers à la fois Marcel Jousse et Edgard Sienaert. »
J. Edward Chamberlin, Professeur émérite d’anglais et de littérature comparée de l’Université de Toronto, Canada. Auteur de The Banker and the Blackfoot: A Memoir of My Grandfather in Chinook Country

Quelques échos des ouvrages d’Edgard Sienaert

La pensée de Marcel Jousse fait son chemin dans différents milieux.

Témoignage reçu par Edgard Sienaert en janvier 2017 de la part d’un ingénieur travaillant dans l’industrie :

Vos livres (“Au commencement était le mimisme” et “In search of coherence”) m’ont accompagné pendant 2 ans dans ma mission de chef projet, sur un gros projet technique. J’ai eu l’occasion de faire plusieurs fois référence à Jousse pour orienter la méthode de travail des chercheurs et vis-à-vis des relations et du travail en équipe. Voici entre autres les quelques lignes que j’ai emprunté de votre livre et que j’ai partagé avec l’équipe :

N’est véritablement savant qu’un homme qui n’a pris qu’un petit coté du réel et qui le défonce autant qu’une vie d’homme peut le permettre.

Ce qui nous manque en temps ordinaire, c’est ce très rare mécanisme expressif qui permet d’épouser les sinuosités du réel tel qu’il est.

Il faut, comme disait St Paul, dépouiller le vieil homme et revêtir le nouveau. Or c’est extraordinairement difficile.

Le seul moyen de penser frais, c’est de penser en face des choses, et après seulement de nommer les choses par des termes qui ne seront pas contaminés par les anciennes erreurs de notre milieu ethnique.

Le génie, c’est celui qui observe les choses comme elles sont, qui se laisse informer par les choses comme elles sont, et qui les rejoue avec tout son être, donc avec tous ses gestes.

Quand vous vous trouvez en face de quelqu’un, je ne dis pas qu’il faut que vous vous compreniez à demi-mot, mais arriver à ce que vous vous compreniez sans mots.

Ne croyez pas que nous pensons de la même façon parce que nous avons employé les mêmes mots.

L’illusion que nous avons de nous comprendre doit se changer en prise de conscience que nous ne pouvons pas nous comprendre et donc qu’il faut que nous nous ajustions lentement, longuement, minutieusement.

Collaborer, c’est essayer de s’infléchir souplement, à avoir les mêmes compréhensions.

Restez vous, implacablement vous, formidablement vous – j’ajouterais nécessairement vous, vous ne pourrez jamais vous échapper de vous-même, mais faites « comme si ». (1)

A titre personnel et professionnel, Jousse m’a beaucoup appris et depuis un an j’ai commencé à utiliser le corps pour apprendre et pour travailler de nouveaux comportements utiles pour un chef projet et manager. Cela a été très efficace.

(…)  Votre travail sur Jousse inspire profondément d’autres personnes, dont moi, et que vos livres ont de mon point de vue un apport indiscutable par rapport aux ouvrages existants. Je dis même que sans vos ouvrages, je n’aurais pas compris Jousse. Car en plus d’être fidèle à la pensée de Jousse, vous avez su rendre cela accessible, facile à lire, avec un fil conducteur très bien construit.

Merci.

Dr. Ing. Pierre Février

(1) Citations tirées des cours de Marcel Jousse, rassemblées par Edgard Sienaert dans “Au commencement était le mimisme” (La Procure, Paris, 2014).

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