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Son héritage intellectuel

La démarche intellectuelle propre à Jousse et les circonstances de son parcours dans le Paris de l’entre-deux-guerres ont produit une œuvre déroutante pour son milieu de “style écrit”. Sa réception a connu plusieurs étapes : quelques clés pour ne pas rester derrière une porte fermée.

La publication du « Style oral » en 1925

Conscient de la grande nouveauté de ses travaux, Jousse s’imprègne de toutes les publications savantes de l’époque dans les disciplines qui l’intéressent. Il en propose une étonnante synthèse par une composition de citations, ordonnées dans un plan logique et unifiées par une terminologie commune. La presse s’en fait largement l’écho ; cet ouvrage suscite de fortes réactions, élogieuses ou critiques. Marcel Jousse, jusqu’alors jésuite inconnu, accède à la vie publique.

Télécharger « Etudes de psychologie linguistique Le Style oral rythmique et mnémotechnique chez les verbo-moteurs », Beauchesne, Paris, 1925 : sur le site des Classiques en Sciences Sociales

Premières études et applications sur le style oral biblique

Il applique en premier lieu ses méthodes aux textes bibliques, expliqués en fonction de ses découvertes sur les pratiques propres aux sociétés de style oral. Il démarre une série d’ « études sur la psychologie du geste » esquissant « une psychologie didactique des Rabbis d’Israël ». Le premier volume « Les Récitatifs rythmiques parallèles ; 1. Genre de la Maxime » est publié en 1930 (éditions Spes, Paris). Il annonce en conclusion les volumes suivants : « genre de la Parabole , genre du Mystère , genre de l’ Apocalypse , genre de la Prière , genre de l’ Histoire ». Mais ils ne verront jamais le jour, pour des raisons encore à éclaircir.

Jousse est convaincu de la grande valeur pédagogique des anciennes pratiques d’enseignement des Rabbis, qui font écho à ses expériences d’enfant sarthois formé dans un milieu d’oralité. Il met en application ses découvertes avec l’appui de sa collaboratrice Gabrielle Desgrées du Loû. Une première démonstration publique a lieu au Théâtre des Champs-Élysées en 1928 : c’est le début de la diffusion de récitations évangéliques, mémorisées et transmises de façon « globale-orale ».

Les débuts de son enseignement

Il va alors trouver des lieux pour dispenser son enseignement sous forme de cours libres hebdomadaires. Convaincu que la transmission directe de professeur à élève produit plus que l’écriture solitaire, il paye une sténotypiste pour transcrire tous ses cours : il nous a laissé ainsi un fond exceptionnel pour l’étude de sa pensée vivante. Il commence à la Sorbonne dès 1931 ; il y développe la psychologie du geste et du rythme auprès d’un public intéressé par des sujets comme la pédagogie, la mémoire, l’invention, la science, l’art. En 1932, l’École d’Anthropologie de Paris crée une chaire d’anthropologie linguistique pour Jousse. C’est un public plus universitaire. Au fil des années, Jousse se saisit de questions comme l’origine du langage, le geste oral, l’origine de l’écriture, le jeu de l’enfant. Enfin, en 1933 commencent deux autres séries d’enseignements : à l’école des Hautes Études de la Sorbonne, il assure une partie des cours sur les origines du christianisme. C’est là qu’il approfondit ses études sur les textes des évangiles et leur substrat culturel. Et par le biais du Laboratoire de rythmo-pédagogie qu’il a fondé avec quelques collaborateurs, il dispense des cours à des jardinières d’enfant – que l’on appellera ensuite institutrices d’école maternelle.

Les cours de Jousse rencontrent le succès

Le Professeur Jousse est un phénomène : on dirait aujourd’hui que ses cours sont des « one man show » scientifiques. Il est debout et donne son cours sans notes, en interagissant avec son auditoire. Il a comme base un plan détaillé, à partir duquel il improvise, utilisant des exemples vivants, des analogies très suggestives. Les amphithéâtres sont souvent pleins. Un jour, des auditeurs viennent le voir à la fin de son cours en Sorbonne : plutôt que d ‘aller au cinéma, ils ont préféré venir voir et entendre Jousse ! Mais son intention est bien de former progressivement une nouvelle génération qui pourra démultiplier et prolonger ses travaux, dans les multiples directions qu’il présente. C’est pourquoi il écrit de courts mémoires de synthèse, où il cristallise son enseignement à l’usage de ses auditeurs. Ils ne sont pas destinés à des « lecteurs », d’où leur style particulier.

La guerre de 1939-45 est une rupture

Les cours continuent tant bien que mal sous l’Occupation, malgré une interruption à la Sorbonne entre 1939 et 1941, et la perte de nombreux auditeurs, notamment les Juifs qui étaient nombreux à son cours des Hautes Études. La dynamique de l’avant-guerre est rompue.

Après 1945, il continue seulement son enseignement à l’école d’anthropologie jusqu’en 1951 ; en 1947-48, il donne une série de cours dans une école d’anthropo-biologie. Il continue à approfondir ses recherches et publie 6 mémoires de 1940 à 1952. Son enseignement reprend à la Sorbonne de 1952 jusqu’en 1957. Il a alors 71 ans et tombe malade.

Il travaille pendant les dernières années de sa vie à une synthèse écrite qui restera inachevée : « La Mécanique humaine et la Tradition de Style oral galiléen ».

Le milieu universitaire des sciences humaines est profondément renouvelé dans l’après-guerre. Le découpage des disciplines s’institutionnalise. Les travaux de Jousse paraissent trop inclassables pour y trouver une place.

L’œuvre posthume

Après sa mort, sa collaboratrice Gabrielle Baron poursuit son travail avec persévérance pour donner une postérité aux recherches de Jousse. Elle publie en 1965 un ouvrage de témoignage, Marcel Jousse – Introduction à sa vie et à son œuvre (Casterman) : c’est le point de départ d’une seconde réception de l’œuvre de Jousse, auprès d’une génération qui n’a pas suivi ses cours. Il faut donc publier des ouvrages. Ce sera d’abord L’anthropologie du geste en 1969, réédité chez Gallimard en 1974. Deux autres volumes suivront en 1975 et 1978 : La manducation de la parole ; Le Parlant, la Parole et le Souffle . Ils sont réédités en poche en un seul volume chez Gallimard.

Bien des difficultés de compréhension jaillissent chez le lecteur face à ces ouvrages qui ne sont pas, comme il pourrait s’y attendre, construits selon les normes de la littérature savante par un écrivain qui livrerait sa pensée assis derrière un bureau. Jousse est à l’étroit sur le papier imprimé.

De nouveaux supports pour faire vivre l’œuvre du Professeur Jousse

Aujourd’hui, le défi est de ne pas considérer que l’œuvre de Jousse serait achevée. Non seulement les perspectives qu’il a ouvertes sont à prolonger, en fonction des avancées des différentes disciplines – mais son enseignement lui-même reste très actuel en bien des points. Et pour le faire vivre, nous disposons aujourd’hui d’outils numériques, audio-visuels, qui ouvrent des possibilités pédagogiques insoupçonnées… au delà du livre, dans le geste vivant.

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