chercheur, anthropologue, pédagogue

Catégorie : Revues

Les recherches sur la poésie orale autour d’Antoine Meillet : Jean Paulhan, Marcel Jousse, Milman Parry

Pierre-Yves Testenoire, Maître de Conférences en Sciences du langage à la Sorbonne, vient de publier sous ce titre un article dans la revue Histoire Épistémologie Langage. Il a également écrit l’article de présentation de ce dossier thématique “Linguistique et anthropologie au début du 20e siècle”. Le dossier est composé de 4 articles étudiant les liens entre ces disciplines, alors récentes, à travers les positions de chercheurs répartis dans les communautés scientifiques suivantes : nord-américaine, allemande, française et britannique.

Voici le résumé de l’article publié par son auteur :

“Cet article porte sur trois recherches autour de la poésie orale menées dans le premier tiers du xxe siècle : le travail de Jean Paulhan (1884-1968) sur la poésie populaire traditionnelle à Madagascar, l’anthropologie linguistique de Marcel Jousse (1886-1961) et les recherches de Milman Parry (1902-1935) sur la composition formulaire des poèmes homériques. Ces trois recherches ont en commun d’avoir été dirigées ou en partie inspirées par Antoine Meillet (1866-1936). Elles sont une des manifestations concrètes de l’ambition portée par Meillet de faire dialoguer la linguistique avec l’ethnographie. L’article présente la spécificité de ces trois recherches mais aussi ce qui les réunit dans un objectif commun de décrire ou de théoriser l’oralité poétique. On s’intéresse, en particulier, à l’apport de l’enseignement de Meillet dans ces trois entreprises ainsi qu’à l’accueil qu’il leur réserve dans ses comptes rendus pour les Bulletins de la Société de linguistique de Paris. L’objectif est aussi d’évaluer la contribution de Meillet à l’émergence du concept de « formule » qui prend corps à travers ces travaux et qui deviendra la pierre angulaire des théories oralistes.”

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Il est intéressant que Pierre-Yves Testenoire reprenne des extraits de cours de Jousse dans lesquels ce dernier parle d’échanges qu’il a eu avec Meillet. Notons que Jousse ne présente pas ce dernier comme l’un de ses maîtres, au même titre que Pierre Janet en psychologie, Marcel Mauss en ethnologie et l’abbé Rousselot en phonétique expérimentale – chercheurs dont il a suivi les enseignements à Paris suite à son retour des États-Unis en 1919. En revanche, Jousse s’appuie sur l’autorité scientifique de ce linguiste reconnu, de 20 ans son aîné, afin de montrer à son auditoire que ses travaux sont pris au sérieux – Meillet ayant notamment publié un compte-rendu du Style oral (1925). Hier comme aujourd’hui, un chercheur n’est rien sans la reconnaissance que d’autres chercheurs lui accordent. Et cela d’autant plus pour Jousse, qui est un “franc-tireur” en sciences humaines, sans poste universitaire, proposant rien de moins que la création d’une nouvelle science !
A ce titre, il est précieux que les travaux de Pierre-Yves Testenoire contribuent aujourd’hui à réintégrer, dans une histoire de la linguistique marquée par l’héritage de Saussure, ce courant d’études de l’oralité du début du 20° siècle dont fait partie Marcel Jousse.
Vous pouvez également lire le rendu compte d’un autre texte intéressant de Pierre-Yves Testenoire intitulé : Une sémiologie sans signe : Marcel Jousse et la linguistique de son temps

Thomas Marshall et Titus Jacquignon,
membres du Bureau de l’Association Marcel Jousse

L’anthropologie du geste se fait connaître en Espagne et en Amérique latine

Francisco Garcia a présenté lors des dernières rencontres de l’Association Marcel Jousse en novembre 2021, les dernières initiatives de diffusion de la pensée de Jousse dans le monde hispanophone. Nous mettons ici à jour son texte avec des actualités plus récentes.

Activités réalisées en espagnol au cours des années 2020 et 2021

Il faut tout d’abord souligner la promotion de la pensée de Marcel Jousse faite par le professeur Gabriel Bourdin. Je n’en citerai que deux :

  • Deux séminaires à l’UNAM

Le professeur Gabriel Bourdin, en tant qu’enseignant d’anthropologie à l’UNAM (Université Nationale Autonome du Mexique), et lié à l’Institut de Recherches Anthropologiques de la même Université, a dirigé cette année deux séminaires d’Anthropologie.

Le premier s’est tenu de mars à mai 2021 où il a traité la question : La vie des gestes dans la vie quotidienne. Éléments d’anthropologie joussienne. Cette étude a été poursuivie lors du second séminaire de septembre à novembre 2021. Ces deux séminaires étaient en sessions virtuelles de 4 heures hebdomadaires (le vendredi).

  • Inauguration d’un réseau social Marcel Jousse

En août 2021 a été inauguré un réseau social hispanophone intitulé “Red Marcel Jousse”, sur la plateforme Whaller. Avec cette initiative et grâce à la coordination conjointe de Thomas Marshall et de Gabriel Bourdin, l’information et la proximité des personnes intéressées par l’anthropologie du geste de Marcel Jousse en Amérique latine, en Espagne et en France deviennent plus étroites.

Tant les séminaires de l’UNAM que le réseau social ont mis en contact des personnes venant du Mexique, d’Argentine, de Bolivie, de Colombie, du Brésil, du Chili, d’Uruguay et d’Espagne, entre autres.

  • Dr. Francisco Moya et des médecins chrétiens

À la fin de l’année 2020, le Dr. Francisco Moya, médecin espagnol spécialiste en radiographie, a publié sur sa chaîne YouTube une conférence intitulée : « Neuf thèses de la pensée de Marcel Jousse dans son Anthropologie du geste » (ici traduite en français), qui s’avère être une bonne synthèse en espagnol, et qui compte à ce jour plus de 2600 visites. Francisco Moya est le fondateur de la palingénésie (qui signifie « renaître »). La Palingénésie de la Personne est une nouvelle méthode, inspirée du philosophe espagnol Leonardo Polo, qui vise la guérison de la personne par la pleine conscience de son passé. Il a également trouvé des points d’ancrage important dans l’Anthropologie du Geste de Marcel Jousse. Autour du docteur Moya se retrouvent des chercheurs d’origine espagnole, latino-américaine et européenne qui s’intéressent à cette méthode. Certains d’entre eux ont suivi une formation sur l’Anthropologie du Geste et sur les travaux de Pierre Perrier, donnée par le professeur Francisco José López à Almodóvar del Campo (Ciudad Real). Ils préconisent un chemin de guérison par la voie du geste. Ils prévoient de se réunir plus souvent à l’avenir.

Publications en espagnol

En 2020, deux publications importantes ont été éditées en espagnol.

« La Jungla Antropológica. Una introducción a la antropología del gesto y el mimismo de Marcel Jousse » écrite par Gabriel Bourdin et publiée par l’Institut de Recherches Anthropologiques de l’Université National Autonome de Mexique (UNAM).
Ce livre peut désormais être commandé en ligne. Ce livre a fait l’objet d’une note de lecture par une anthropologue brésilienne, dont nous avons trouvé intéressant de publier une version traduite en français.

En voici la présentation par l’auteur en 4ème de couverture :

Pour les lecteurs hispanophones, l’anthropologie de Jousse est inconnue. Les auteurs qui ont inclus des références à Jousse dans notre langue se comptent “sur les doigts d’une main”, pour reprendre la figure gestuelle de la numérotation “primordiale”, qui plaisait beaucoup à notre auteur. Le présent travail vise à soumettre à la considération du lecteur hispanophone et surtout du chercheur en sciences humaines une nouvelle approche méthodologique, dotée d’un énorme potentiel. En guise d’objectif intermédiaire, l’auteur tente des applications possibles de la création joussienne au vaste horizon des traditions de style oral originaires du continent américain.

L’UNAM vient aussi de publier la traduction en espagnol du livre Le Style Oral de Marcel Jousse (1925), sous le titre « El Estilo Oral rítmico y mnemotécnico entre los verbo-motores ». La traduction a été assurée par le professeur Bourdin et son épouse Leonor Teso Gentile (d’heureuse mémoire), avec un avant-propos d’Edgard Sienaert. Gabriel Bourdin a fait précéder le texte d’une riche introduction afin de mettre en perspective pour les lecteurs contemporains cette œuvre inaugurale de Jousse . Cette publication en espagnol a bénéficié d’une présentation officielle lors de l’anniversaire des quarante-huit ans de l’Institut de Recherches Anthropologiques de l’UNAM, transmis par Zoom.
Ce livre peut désormais être commandé en ligne.

De nouvelles publications en espagnol.

En mai 2022, un dossier sur l’anthropologie du geste a été publié dans la revue Mundaú, une revue électronique d’anthropologie, éditée par le programme post-licence en Anthropologie de l’Institut des Sciences Sociales de l’Université Fédérale d’Alagoas (Brésil). Il est intéressant de noter qu’elle publie ses articles en anglais, français, portugais et espagnol. Parmi d’autres contributions, vous y trouverez des articles écrits par deux chercheurs ayant suivi le séminaire de Gabriel Bourdin et par Titus Jacquignon, doctorant et membre du Bureau de l’Association Marcel Jousse, sous le titre : Le caractère fondamental de l’expérience indienne de Marcel Jousse dans la création de sa méthode anthropologique.

Une traduction en espagnol de l’ouvrage édité par Gallimard, L’Anthropologie du Geste, est également en cours.

Des conférences récentes en espagnol

Lundi 29 novembre 2021 a eu lieu une conférence sous le titre : « L’Anthropologie du Geste de Marcel Jousse : nouvelles recherches sur l’oralité », à l’Université Ecclésiastique San Dámaso (Madrid). Elle s’inscrit dans la 4ème journée du cycle de conférences intitulé : « La pédagogie de l’Église des Apôtres ». Elle a été donnée conjointement par le professeur Francisco José López Sáez et par Francisco García Baca (doctorant). Elle propose une introduction biographique sur Marcel Jousse et une initiation à son Anthropologie du Geste, suivie d’une brève présentation des nouvelles recherches sur l’oralité. L’importance de cette conférence revient surtout parce qu’elle est l’une des premières expositions formelles sur l’Anthropologie du Geste de Marcel Jousse dans le domaine universitaire espagnol, et aussi parce qu’elle a eu lieu à l’université ecclésiastique San Dámaso, institution académique importante en Espagne. En voici la vidéo :

Le professeur Bourdin poursuit son activité de recherche et de conférences. Il consacre plusieurs mois en 2022 à une enquête de terrain en Andalousie, dans le sud de l’Espagne, sur la connaissance météorologique paysanne et son expression dans la langue orale des proverbes.
Le 21 avril, il a donné une conférence de présentation de l’anthropologie de Jousse dans le cadre du séminaire doctoral international Art et Anthropologie de l’Université de Grenade et de la Fondation EuroArabe.

Marcel Jousse et l’anthropologie du geste / Revista Pelicano

Marcel Jousse y la antropologia del gesto : Un article en espagnol de Gabriel Luis Bourdin, Universidad Nacional Autónoma de México, publié dans la revue Pelicano en août 2016.
Nous avons réalisé une traduction en français de cette présentation, rédigée afin de donner à voir aux chercheurs et étudiants en sciences humaines l’importance de l’œuvre de Jousse.

Résumé :

L’œuvre de Marcel Jousse, jésuite, anthropologue et linguiste français (1886-1961), est l’une des créations les plus transcendantes et les plus singulières de la pensée anthropologique du XXe siècle et, curieusement, l’une des moins connues du lecteur spécialisé en anthropologie et en sciences du langage, sans parler du grand public.
L’objectif de cette présentation est de témoigner de la pertinence pérenne de la nouvelle science du geste et du langage inaugurée par Jousse dans la première moitié du vingtième siècle. L’anthropologie du geste est l’ouvrage qui résume la pensée et les recherches de Jousse. Il a été composé sur la base d’un projet de systématisation de son enseignement scientifique, qui était principalement oral. Plusieurs de ses mémoires, initialement publiés séparément, ont été intégrés à cette synthèse.
Le présent article se réfère à une autre source principale pour l’étude de l’œuvre de Jousse, à savoir les cours oraux, donnés par Jousse entre 1931 et 1957 à la Sorbonne, à l’École d’anthropologie et dans d’autres lieux importants d’enseignement supérieur en France, pris en note par des professionnels de la sténotypie et transcrits ultérieurement par G. Baron.

Mots clés : anthropologie, geste, mimisme

Télécharger l’article traduit en français

Télécharger l’article de la Revista Pelicano

Marcel Jousse et Manuel Lekuona

Nous mettons à votre disposition un article en espagnol de Gorka Aulestia publié dans la Revista Internacional de los Estudios Vascos (revue internationale d’études basques) en 1994. Il est intitulé :

Marcel Jousse y Manuel Lekuona : dos pioneros de la literatura oral

(Marcel Jousse et Manuel Lekuona : deux pionniers de la littérature orale).

Un dossier sur Marcel Jousse publié par la revue Transversalités

A l’occasion du dépôt des archives Marcel Jousse (1886-1961) à l’Institut Catholique de Paris, soixante ans après sa mort,  le numéro de la revue Transversalités  d’avril-juin 2021 propose un dossier “Marcel Jousse” dirigé par Camille Riquier, Vice-Recteur à la recherche à l’ICP.

Nous nous réjouissons de cette première publication de l’Institut Catholique de Paris au sujet de l’œuvre de Marcel Jousse , la voie ayant été ouverte par la thèse de doctorat en philosophie de Clara-Elisabeth Vasseur sur Jousse et Bergson. La publication du livre tiré de cette thèse marquante est prévue en 2021.

Merci à tous les auteurs et autrices de ce dossier qui partagent dans les articles leur travail personnel, nous montrant ainsi que la pensée de Jousse peut rester vivante et inspirante à notre époque, dans différents domaines.

Nous vous invitons à partager en commentaires en bas de cet article vos appréciations à propos de l’un ou l’autre de ces articles. Les commentaires hors-sujet ou manquant de respect ne serons pas publiés.

Au sommaire (avec lien vers les résumés)  :

•        Liminaire – Camille Riquier

•        Marcel Jousse : un Kepler de l’ éducation – Rémy Guérinel

•        Penser le réel avec Marcel Jousse et Henri Bergson – Clara-Élisabeth Vasseur

•        Marcel Jousse ou la subversion lumineuse – Bertrand Vergely

•        Conserver, adapter, transformer : Marcel Jousse à l’ épreuve du présent – Jean-Rémi Lapaire

•        Marcel Jousse et la phénoménologie. L’originalité du concept d’ intussusception : en deçà de l’empathie, l’alliance avec la résonance – Natalie Depraz

 

Pour commander un exemplaire papier, il y a deux possibilités.

  • Écrire à la revue : Revue Transversalités – Institut catholique de Paris – Vice-rectorat à la recherche – 21, rue d’Assas – 75270 Paris Cedex 06 ou à l’adresse transversalites [AROBASE] icp.fr
  • ou s’adresser à son libraire qui fera la commande.

Le prix de vente est de 16 euros. Pour les commandes qui arrivent à la revue, l’envoi est fait à réception d’un chèque de 16 euros à l’ordre de “Institut catholique de Paris”.

Le numéro en version numérique peut être acheté directement auprès de Cairn pour 12,90 euros ou chaque article au prix de trois euros.

Marcel Jousse : The Oral Style and the Anthropology of Gesture

Edgard Sienaert a publié un article en anglais sous ce titre dans la revue Oral Tradition, 5/1 (1990).

Il inclut une large bibliographie des travaux de et à propos de Marcel Jousse.

Lire l’article

Introduction au dossier Marcel Jousse de la revue Nunc n°25, Octobre 2011

A commander sur le site de la revue

Marcel Jousse. Pour une anthropologie autre.
Franck DAMOUR

Qui connaît encore Marcel Jousse ?

Il fait partie de ces éclipsés, méjugés ou ignorés pour certains, inconnus pour la plupart. Et pourtant, lorsqu’il est lu, Jousse laisse rarement indifférent. Comme le dit justement Bernard Baillaud, « il n’est pas une page de Marcel Jousse qui n’incite à lever la tête ».

Pourquoi Jousse provoque-t-il cela ? Car il part de l’expérience, il touche notre expérience. Prendre Jousse pour un théoricien de l’oralité, ou du mimisme, c’est faire fausse route, c’est prendre Jousse à l’envers. Car il ne s’agit pas de théorie, mais de science humaine vivante, d’anthropologie au sens plein du terme, dans toutes les dimensions de l’homme. Au point, à la fin, de lever la tête.

Marcel Jousse a été animé par une exigence de globalité de l’humain, non comme slogan (cela, tout le monde le fait), mais comme pratique : l’idée de geste résume cette globalité. Le geste comme manifestation de la globalité de l’homme. Celui du maçon, de l’aïkidoka, du sportif, du mot juste, ajusté du poète ou du professeur. Toute parole n’est qu’à la hauteur de sa densité charnelle.

Marcel Jousse représente la fin du discours. « Il faut une force scientifique pour remettre la vie dans cela et opérer une sorte de transfusion de sang, c’est-à-dire qu’il faut mettre dans le livre de la vie. » Tout tient dans cette phrase de Jousse. L’objectif : « mettre de la vie dans le livre ». C’est-à-dire nous sortir de l’emprise d’un écrit sclérosé, du bavardage théorique, du verbiage, pour redonner à la langue sa chair et à la chair sa langue, et, incidemment, faire à nouveau du livre ‒ mais cela peut être un film, une danse ou une liturgie ‒ une expression de la vie. Encharner la langue, tel est l’horizon qui aimante Nunc depuis bientôt dix ans et justifie son existence. La rencontre avec Marcel Jousse était inévitable.

Il s’agit ici de proposer un portrait vivant de ce penseur injustement méconnu, et des multiples facettes de son anthropologie. La méthode : « une force scientifique ». Car il s’agit de redonner à l’anthropologie son véritable statut de science, née de l’expérience du vivant, et non d’idéologie d’un scientifisme douteux car théorique et mortifère. Alors, avec Jousse, il s’agit d’une science du vivant, non des idées, non du discours, mais de la chair traversée de sens.

La gageure était de parvenir à faire entendre Jousse à travers un média – le texte écrit – qui n’est de toute évidence pas une entrée suffisante dans l’œuvre de Marcel Jousse, mais qui peut jouer un rôle de seuil. D’autant plus que Nunc espère être une revue différente par sa pratique différente de l’écrit : en effet, les contributions, quoiqu’étayées et référencées, se doivent de faire entendre une voix. Avons-nous relevé cette gageure ? En tout cas, la forme plurielle de la revue est une première piste que nous avons utilisée pleinement, à regarder la variété des horizons et des voix réunis ici.

Au cœur du dossier, il y a ces deux cours de Marcel Jousse car, pour reprendre une formule de Jean Sullivan, « Jousse exige le contact direct avec son écriture-parole ». Ces cours ont été choisis par Rémy Guérinel et Edgard Sienaert parmi des milliers de pages pour leur qualité à faire entrer dans la geste joussienne. Cette geste utilise un vocabulaire déroutant, nouveau pour dire nouvellement des choses que nos oreilles « algébrosées » ne savent plus entendre : pour l’expliciter, nous avons choisi, dans le lexique final, dans les notes de bas de page, de faire appel à Jousse lui-même, afin que d’obstacle ce vocabulaire devienne porte d’entrée.

Mais ces cours, il fallait aussi les replacer dans leur perspective tout à la fois intellectuelle, culturelle et spirituelle, ce que font en ouverture et clôture du dossier Haun Saussy et Bertrand Vergely.

Il fallait aussi les replacer dans la vie de Jousse, et nous avons sollicité Titus Jacquignon, qui prépare une thèse sur Jousse, pour poser les jalons de son aventure intellectuelle.

Le témoignage de Joseph Morlaâs, qui fut un collaborateur au long cours de Jousse, nous offre un portrait de l’intérieur.

Enfin, il est frappant que Marcel Jousse soit aujourd’hui lu et mobilisé par des personnes d’horizons les plus divers, soignants et poètes, philosophes et artisans, comédiens et pédagogues : la troisième partie du dossier donne la parole à certains d’entre eux.

Benoît Virole nous éclaire, à partir du cas des enfants sourds-muets, sur ce que Jousse apporte de nouveau (ou plutôt d’oublié) dans la compréhension du langage, en écho avec la proposition de rythmo-typographie, une mise par écrit d’une parole orale et gestuelle par Edgard Sinaert.

Celui-ci, à partir de son expérience de traducteur de Jousse en anglais, pointe la richesse des intuitions joussiennes dans un contexte interculturel.

Les passerelles entre Jousse et Paulhan (Bernard Baillaud), Claudel (Christine Rayroux) ou Merleau-Ponty (Natalie Depraz) nous rappellent l’apport de Jousse dans la prise en compte du corps comme geste vivant. D’autres aspects auraient pu être abordés, comme la musique ou l’adaptation technologique, mais aussi la théologie ou la danse, la place a manqué et il s’agissait sans doute de poser, avec d’autres, une pierre de plus sur le cairn joussien à l’orée du chemin.

Nous espérons donner à la fois le goût et des clefs pour redécouvrir un penseur majeur du XXe siècle, qui a tenté de défricher les voies d’une anthropologie dynamique qui prenne l’homme à sa racine.

Sommaire développé

AXIS MUNDI MARCEL JOUSSE. POUR UNE ANTHROPOLOGIE AUTRE
dossier dirigé par Rémy Guérinel, Edgard Sienaert et Franck Damour

Franck DAMOUR, Introduction (ci-dessus)

Haun SAUSSY, Non pour abolir, mais pour accomplir : les destinées de Marcel Jousse

  • Le commencement : Jousse dans le contexte polémique de la crise du modernisme, découlant de la critique historique des textes du Nouveau Testament (Alfred Loisy).
  • Jousse méthodologiste : quelle en est la portée générale ? Sa critique par Henri Meschonnic.
  • Les perspectives d’actualisation de la pensée joussienne avec les découvertes des neurosciences.

Titus JACQUIGNON, Marcel Jousse. Jalons pour un itinéraire biographique et intellectuel

  • Qu’est-ce qui explique l’éclipse de Marcel Jousse après sa mort ? Qu’est-ce qui justifie de le redécouvrir 50 ans plus tard ?
  • L’enfance paysanne, matrice de l’anthropologie du geste
  • Le prêtre, le combattant, le savant
  • Son séjour aux U.S.A. : la rencontre des Indiens et la vocation de l’anthropologie
  • L’enseignement des maîtres de Paris dans les années 1920
  • Triomphe à Rome devant l’Institut Biblique Pontifical, il reçoit le soutien de Pie XI
  • Son ascension de 1925 à 1939, puis son déclin à partir de la 2ème guerre mondiale

Joseph MORLAAS, Marcel Jousse : un maître

Fidèle collaborateur de Jousse, médecin psychiatre, il a mené des recherches sur l’apraxie. Dans ce témoignage publié initialement en 1977, le Dr Morlaâs raconte sa rencontre intellectuelle puis humaine avec le professeur Jousse. Il décrit le personnage, dont la façon d’être et de s’exprimer était en unité profonde avec la pensée scientifique. Il témoigne des réactions de Jousse en fonction de l’ouverture ou de la fermeture que ses travaux rencontrèrent dans différents milieux, laïcs ou religieux.

Edgard SIENAERT, Deux cours d’anthropologie de Marcel Jousse : une introduction

Aperçu des principaux thèmes de la pensée de Jousse et de sa terminologie, éclairée par des citations de ses cours.

N.B. : Contrairement à ce qui est écrit dans la revue, ces cours n’ont pas été pris en note par un simple auditeur mais par une sténotypiste professionnelle, ce qui en garantit la précision. Nous donnons ci-dessous le plan de ces cours, établi par Jousse comme support à son enseignement oral.

Marcel JOUSSE, Le retour aux gestes du composé humain – Laboratoire de rythmo-pédagogie, le 7 décembre 1938 : premier cours d’une année intitulée : « Le rythmo-catéchisme formulaire de Rabbi Iéshoua de Nazareth ».

Introduction : Laboratoire de mort et laboratoire de vie.

I. le composé humain

  1. La mort : séparation de l’âme d’avec le corps
  2. La vie : union de l’âme avec le corps
  3. Le vocabulaire a) vieux, maniant la mort et b) nouveau, maniant la vie

II. Les gestes du composé humain

  1. Le mimisme humain macroscopique ou microscopique
  2. Le geste interactionnel
  3. Le geste projeté hors de soi

III. Le retour aux gestes

  1. La paralysie par le livre
  2. La paralysie sociale
  3. L’anthropologie du mimisme

Conclusion : La formation de moi-même par le mimisme

Marcel JOUSSE, L’anthropologie et le mimographe – École d’Anthropologie, 10 décembre 1934

Introduction : La lutte contre la mort des mimèmes [l’oubli]

I. Prévision scientifique logique de l’agraphisme [la transmission sans écriture]

  1. Les rythmo-mimeurs
  2. Les rythmo-psalmodieurs
  3. La tradition vivante, stéréotypée, rythmique

II. Prévision scientifique logique du mimographisme [l’origine de l’écriture]

  1. Graphisme du mimodrame
  2. Graphisme successivé par phasage

III. Prévision scientifique logique du phonographisme [l’écriture alphabétique]

  1. Phonographisme initial
  2. Dégagement lent du phonographisme pur
  3. Persistance du mimographisme étymologique

Conclusion : Mimisme humain indéracinable

Erratum : p.49, paragraphe 2, trajectoire > mémoire

Edgard SIENAERT, La Plainte de Piet Draghoender : un exemple de rythmo-typographie

Présentation typographique adaptée du témoignage improvisé en style oral, d’un petit fermier métis d’Afrique du Sud, menacé d’expulsion par la politique d’apartheid.

Edgard SIENAERT, Traduire Jousse : quelques réflexions

Le traducteur en anglais des textes de Jousse fait état de l’itinéraire qui l’a conduit à réaliser cette entreprise difficile – en écho aux propos de Jousse lui-même sur la difficulté de traduire.

Christine RAYROUX, Dire Claudel ou parler Jousse ?

Claudel et Jousse se sont rencontrés, ils s’appréciaient mutuellement. Christine Rayroux, comédienne, a joué des textes de Claudel et a aussi interprété un cours de Marcel Jousse. Elle livre un témoignage sur ces deux expériences d’incarnation d’une parole puissante.

Bernard BAILLAUD, Sur la manducation de la parole de Jean Paulhan par Marcel Jousse et réciproquement ou Par quel bout les prendre

Jean Paulhan est un critique, écrivain, éditeur, qui a été comme Jousse élève de Pierre Janet. Il a ramené d’un séjour de 3 ans à Madagascar des poésies populaires, les Hain-tenys merinas, souvent mentionnées par Jousse. Un aperçu de ce qui les rapproche et de ce qui les distingue.

Benoît VIROLE, Un couteau au bord du signe

L’œuvre de Marcel Jousse devenue illisible, par rapport à la linguistique et à la sémiotique contemporaines. Un commentaire du cas clinique de Marie et Marthe Heurtin utilisé par Jousse. Réflexion sur la persistance dans l’Homme de l’originaire, à l’ère numérique.

Natalie DEPRAZ, Jousse et Merleau-Ponty : l’enfant en nous. Parole et mimisme

L’attention ouverte de l’enfant. L’enfant : être ce qu’il fait.
… une déprise de la division soi-autrui.
… la transformation de l’intersubjectivité par le mimisme … l’organicité du geste, une gesticulation positive

Michel DE CERTEAU, Une anthropologie du geste : Marcel Jousse

Note de lecture publiée dans la revue Études (1970, n° 332/05), accessible par le site de la BNF.

Bertrand VERGELY, Quand l’anthropologie devient une théologie

Éléments pour un lexique joussien sur la bouche de Marcel Jousse

Pour goûter l’enseignement de Marcel Jousse

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